Le Vieux Bleu, une histoire à plume !!!
Franquin m'a rendu un grand service !
Au tout début 1969, Thierry Martens, le tout nouveau rédacteur en chef du journal de « Spirou », qui avait succédé à Yvan Delporte (qui avait fait de « Spirou » un formidable journal) et entouré d’une terrible équipe de dessinateurs, Franquin, Jijé, Peyo, Hubinon, Tillieux, Roba, Morrice, Will, Jidéhem, et j’en passe. (Quelle époque, mes amis)
Thierry se retrouva donc à la tête d’un monument où il faut continuer et surtout apporter aussi de nouvelles idées et sujets rédactionnels intéressants. Mais ça c’est une toute autre histoire.
Moi à l’époque, depuis quelques années, je dessinais les aventures de Benoît Brisefer et je fournissais déjà depuis pas mal de temps les premières planches de ce qui allait devenir Natacha, hôtesse de l’air.
Planches qui allaient dormir dans les tiroirs de la rédaction du journal tout cela bien avant l’arrivée de Martens, qui les découvrira et les programmera le 26 février 1970.
Un vendredi du tout début 1973, où je venais livrer le travail de la semaine à la rédaction, Martens et son équipe (Charles de Gaulle et Simon de beau).prépare le numéro de « Spirou » “Spécial Pâques”.
Tradition du journal consistant à faire 4 numéros spéciaux par année : fête de pâques, les vacances, la rentrée et la Noël.
Et il y avait dans ces numéros un “Spécial oiseau”.
“Cela faisait quatre très gros magazines” que Thierry Martens me dit.
“Pour le spécial oiseau, tu n’as pas un sujet” ?
Je lui répondis que chez moi, mon père était colombophile et qu’il y avait une bonne centaine de pigeons dans son pigeonnier.
Il participait chaque année quand c’était la saison, à tous les concours.
À l’époque, les vendredis, on envoyait les pigeons (en camions et en trains) jusqu’au milieu de la France (et même plus bas), où trois jours après les convoyeurs les lâchaient.
Cela donnait des scènes épiques au retour de ces oiseaux sympathiques… un folklore extraordinaire pour la famille du colombophile !
Le plus âgé des pigeons de mon père, 19 ans, s’appelait le “Vieux Bleu”.
“Oh ça c’est un bon sujet” ! Thierry en rigolant.
“Bien, il nous faut un scénario, je vais en parler à Cauvin”.
“Je vais le rejoindre au ‘Manderley’” (Petit resto à côté de la rédaction où Raoul se trouvait tous les jours à midi ainsi que tous les collaborateurs de la maison Dupuis, des rédactions du Moustique*, de “Bonne soirée”, de « Spirou », Robedoes (le “ »Spirou » flamand”) ainsi que Humo (le “Moustique” flamand)… tout cela dans un joyeux tintamarre d’assiette et surtout de verres à bière…
Bref, assis à côté de Raoul Cauvin, je lui fis part de mon idée de réaliser un épisode de 6 ou 7 pages racontant la vie de famille avec un grand-père colombophile acharné ! Et ce, surtout le dimanche et parfois le lundi lors du retour des pigeons dans le pigeonnier à l’issue d’une étape de plus de 1000 km, souvent venant du centre de la France et même des Pyrénées côté français.
L’ambiance de la famille et même des voisins étaient réduites au “silence” pour ne pas effrayer les pigeons à leur retour, sinon c’était l’engueulade monumentale.
Je ne vous parle pas des gags survenus à ces moments folkloriques… À hurler de rire… très souvent.
Là, Raoul Cauvin, tout à fait ravi, me dit : “Mais j’ai vécu la même chose que toi dans ma famille du côté de Tournai, c’était des dingues de colombophilie aussi” !
“Dans une semaine, mon vieux François, je t’envoie un petit scénario de 6 planches sur le sujet”. “Ça m’amuse beaucoup” !
J’en fus très heureux ! Le vieux bleu était né et le premier scénario arriva dans ma boîte aux lettres huit jours plus tard, comme promis par Raoul.
Dès lors, chaque année, pendant 8 ans, Raoul et moi avons réalisé un épisode du “Vieux Bleu” et de Jules, son propriétaire, pour le journal « Spirou ».
Ah oui, les pigeons portent tous des noms, soit le “P’tit Rouge”, le “Boiteux“, le “P’tit Bleu” qui deviendra le “Vieux Bleu”… En fonction d’une particularité, la couleur des plumes le plus souvent ou leur âge.
Finalement, Monsieur Charles Dupuy créa une nouvelle collection d’albums : “les meilleurs récits du journal « Spirou »”, dans lequel paraîtra l’album “le Vieux Bleu” reprenant tous les épisodes parus chronologiquement dans « Spirou ».
Mais cet album allait vivre un phénomène incroyable et inattendu avec une traduction en wallon liégeois : “Li Vî Bleu”.
Là, les éditions Dupuis sont tombées sur leur cul… et moi aussi.
Mais cela, c’est une histoire que je vous conterai une autre fois.
François Walthéry
*Le Moustique est un magazine de programme télé.